L’orginie de la maison Au Clos Rolland
Il était une fois Jean-Baptiste Rolland…
Né à Verchères, le 2 janvier 1815 et baptisé le lendemain par le curé Kimber, Jean-Baptiste Rolland était le fils de Jean-Pierre Rolland et Euphrosine Donay. Il a grandi dans la petite ferme de ses parents près de Saint-Hyacinthe.
Au printemps 1832, alors qu’il n’a que 17 ans, Jean-Baptiste va tenter sa chance à Montréal avec pour tout pécule que 25 cents et une solide confiance en soi.
Le Verchérois Ludger Duvernay, jeune imprimeur qui vient d’acquérir deux journaux montréalais, La Minerve et le Spectator, engage Jean-Baptiste comme apprenti dans ses ateliers. Ce dernier devient typographe qualifié, puis passe au Morning Courrier. Reconnu comme maître-imprimeur, il démarre, avec un compagnon de travail, une petite entreprise d’imprimerie, rue Saint-Vincent à Montréal, aussitôt jointe à une boutique de papetier-libraire. Séparé de son associé après quelques mois, il dirige seul son entreprise. Pour élargir sa clientèle, il se fait colporteur et parcours les campagnes avoisinantes dans sa voiture à cheval.
À l’aube de ses 30 ans, il contrôle déjà solidement le commerce du livre à Montréal. Imprimeur, relieur et libraire, il devient éditeur spécialisé dans les manuels scolaires, les ouvrages religieux et la littérature populaire. Marié à Esther Bouin dit Dufresne le 7 octobre 1839, il habite avec sa famille au-dessus de sa boutique de la rue Saint-Vincent. On y trouve des livres, des articles de bureau et d’école, une parfumerie et même une petite bijouterie d’importation européenne.
En 1859, Jean-Baptiste associe son fils aîné de 18 ans, Jean-Damien, à la nouvelle entité J.B. Rolland et Fils. Deux ans plus tard, après avoir été commis de la librairie, le cadet Donatien, qui n’a que 16 ans, rejoint son père et son frère. C’est alors que Jean-Baptiste se lance dans l’acquisition immobilière. Il achète des terrains sur la rue Saint-Denis, passé le bout de la Côte-à-Baron qu’il divise en lots. Il y fait construire des habitations de luxe pour la bourgeoisie francophone et cossue après y avoir érigé sa propre résidence, face au petit parc entourant un réservoir. Bordé de demeures victoriennes, ce lieu deviendra en 1870 le romantique carré Saint-Louis.
L’activité de Jean-Baptiste s’étend à d’autres parties de la ville jusqu’au village d’Hochelaga qui n’est pas encore annexé à Montréal, là son fils Jean-Damien aura une carrière dans le monde municipal.
L’autre fils, Stanislas-Jean-Baptiste seconde son père dans une nouvelle entreprise qui établira pour longtemps la renommée des Rolland. Les rares papeteries du Canada ne pouvant fournir suffisamment le papier fin, il fallait l’importer. Jean-Baptiste décide donc d’occuper le créneau, non sans avoir longuement étudié les tenants et aboutissants de cette aventure industrielle.
Stanislas-Jean-Baptiste Rolland est né le 13 mai 1851, rue Saint-Vincent, Montréal. Il est le frère cadet de Jean-Damien et le fils de Jean-Baptiste, fondateur de Papier Rolland, et d’Albina Lanthier.
Les belles histoires des Pays-d’en-Haut
Le curé Labelle vantant les mérites de sa cité du Nord, bien équipée en énergie hydraulique, reliée à Montréal depuis 1876 par une ligne de chemin de fer et surtout pourvue d’une main-d’œuvre abondante, courtise Jean-Baptiste pour ouvrir à Saint-Jérôme le moulin à papier Rolland. C’est ainsi qu’en 1881, ce dernier inaugure l’une des plus prestigieuses papeteries du Canada.
Alors qu’en 1882 le secteur du papier se développait, Stanislas-Jean-Baptiste, alors âgé de 31 ans, fut chargé de coordonner les opérations de l’entreprise et cumula les fonctions de premier directeur-gérant, de chef de la fabrication, d’ingénieur d’entretien et de réparation, de chimiste et de comptable à l’usine de Saint-Jérôme.
En 1892, les premières rames sortent de l’usine de la compagnie Papier Rolland. Elle emploie une soixantaine d’ouvriers qui s’affairent à une machinerie dernier cri. L’entreprise produit 4000 tonnes par jour de papier journal, de papier pour affiches, de papier à lettre et de papier de luxe vendus partout au Canada, aux États Unis et en Europe.
En 1899, une usine américaine, la North River Lumber & Pulp Company acheta des terres à Sainte-Adèle et Stanislas-Jean-Baptiste comprit qu’il pouvait perdre le contrôle de l’approvisionnement en eau pour l’usine jérômienne et qu’il avait un nouveau concurrent. À cette époque, l’eau constituait toute la force motrice de l’usine puisqu’elle actionnait une roue à aubes reliée par des courroies de cuir à la machinerie. Il vient donc inspecter les lieux avec son ingénieur, il en fut impressionné et décida de racheter les lots, de ce qui deviendra la ville de Mont-Rolland, au coût de 7 000$. En décembre de la même année, il fonda la Compagnie des Moulins du Nord et en 1912, il fusionna celle-ci à l’usine de Saint-Jérôme.
Consécration! En 1885, le jury de l’exposition universelle d’Anvers, en Belgique, accorde la médaille d’or au papier superfin Rolland, pur chiffon, dont le filigrane montre dans un écusson trois fleurs de lys et trois feuilles d’érable. Le gouvernement d’Ottawa adopte ce même papier pour imprimer ses documents importants. Il se mérite également des prix aux expositions de Chicago (1893) et Paris (1900).
La guerre de 1914 exigera un rendement maximum des 4 machines à papier existantes. En 1918, la production quotidienne des deux usines se chiffre à 26 000 livres, soit environ 8 à 9 fois la production initiale de 1882. Sous la présidence de Stanislas-Jean-Baptiste, la troisième génération des Rolland intègre l’entreprise. Ses deux fils, Jean et Olivier sont respectivement gérants des usines de Saint-Jérôme et de Mont-Rolland, tandis que Pierre, fils de Damien, s’occupera du bureau de Montréal. La réputation des papiers Rolland s’affirme maintenant de l’Atlantique au Pacifique.
En plus d’être directeur de l’usine de Saint-Jérôme, Stanislas-Jean-Baptiste fût commissaire d’école, marguillier, puis maire de Saint-Jérôme de 1893 à 1901. Le 16 novembre 1912, au décès de son frère Jean-Damien, Stanislas-Jean-Baptiste devient président de la Compagnie de Papier Rolland ainsi que de J.B. Rolland & Fils. Même à sa retraite, il assume la présidence du conseil d’administration.
Jean-Baptiste Rolland, l’ancien typographe, peut se réjouir de son élection comme conseiller municipal et commissaire du port du havre de Montréal. Membre actif de la Société Saint-Jean-Baptiste fondée par son premier patron, Ludger Duvernay, il en devient le président. Il a été co-fondateur de la Banque Jacques-Cartier devenue Banque Provinciale puis aujourd’hui, Banque Nationale. Le premier ministre du Canada, John A. Macdonald l’élèvera à la dignité de sénateur le 22 octobre 1887.
Plus de cent ans après son décès le 22 mars 1888, son empire était encore dirigé par un Rolland. Stanislas-Jean-Baptiste s’éteint le 14 avril 1935 à l’âge de 84 ans. Ainsi disparait un autre grand seigneur du papier et grand bâtisseur laurentien et québécois.
Usine de la Mont-Rolland Paper
Stanislas-Jean-Baptiste est nommé par son père à la direction de la nouvelle usine de Saint-Jérôme. Il se rend aux États-Unis pour apprendre les techniques de fabrication de papier. Dès 1884, l’usine produit trois tonnes de papier par jour. Le papier Rolland est rapidement reconnu mondialement.
En 1902, Stanislas-Jean-Baptiste se rend dans les Pays-d’en-Haut pour ouvrir une usine à Sainte-Adèle, dans un secteur qui deviendra Mont-Rolland. Cette usine est alors indépendante de celle de Saint-Jérôme et prend le nom des Moulins du Nord. La direction de la nouvelle entité est confiée au fils de Stanislas-Jean-Baptiste Rolland. La construction de cette usine vient combler la demande de papier fin qui est en forte croissance au tournant du siècle. Contrairement au papier de Saint-Jérôme qui est fait à partir de chiffon, celui de Mont-Rolland est fabriqué à partir de fibre de bois. En 1912, la compagnie des Moulins du Nord est intégrée à l’entreprise familiale, la Compagnie de papier Rolland de Saint-Jérôme.
En 1928, les deux usines tournent à pleine capacité. Malgré tout, elle demeure insuffisante et un agrandissement d’importance s’impose. Pour assurer le financement, Stanislas-Jean-Baptiste décide de rendre la compagnie publique. Il y aura donc une émission de 60 000 actions avec droit de vote cotées en bourse et du fait même, la nouvelle société est constituée, la compagnie de Papier Rolland Limitée. La famille Rolland conserve le tiers de ces actions. Des travaux de construction débutent aussitôt à l’usine de Saint-Jérôme en vue de l’addition de deux nouvelles machines à papier. En 1929, on procède à l’installation de la cinquième machine d’une largeur de 85 pouces et d’une vitesse de 500 pieds à la minute. Puis, dix ans plus tard, l’acquisition d’une sixième machine se fera.
Les années 1950 marquent la venue de la quatrième génération de Rolland à la tête de l’entreprise. Lucien G. Rolland met en place un vaste programme de modernisation et d’expansion. Plusieurs décennies fastes vont suivre pour cette entreprise qui se démarque dans le monde du papier fin.
L’aventure de la famille Rolland au sein de l’entreprise et de l’usine de Saint-Jérôme a duré un peu plus d’un siècle. L’usine est finalement acquise par le groupe Cascades en 1992. En 2014, Cascades vend l’usine à un groupe d’investisseurs privés et celle-ci devient Les entreprises Rolland inc. L’usine de Mont-Rolland, quant à elle fermera ses portes en 1990. Les bâtiments de l’ancienne usine sont aujourd’hui convertis en parc d’affaires qui accueille des petites et moyennes entreprises.
Cinq générations de la famille Rolland se sont succédées au sein de l’entreprise. Cette famille et son entreprise ont eu une importance certaine pour la région des Laurentides et son développement. La présence des usines Rolland a permis au Québec de se tailler une place significative dans l’industrie nationale et internationale des papiers fins, et à l’échelle internationale.
Le village de Mont-Rolland
Cette région fut explorée et développée vers le milieu du XIXe siècle par Augustin-Norbert Morin, qui laissa son nom en plusieurs endroits, tels qu’à Val-Morin et Morin-Heights. L’école secondaire porte le nom d’A.-N. Morin, ainsi que le parc Morin, la rue Morin et plusieurs autres lieux et institutions.
Mont-Rolland se développe rapidement après l’arrivée du chemin de fer, en 1891. En 1902, Jean-Baptiste Rolland, y installe une usine de papier d’emballage: La Rolland. Il demeure exceptionnel qu’une industrie ait autant marqué l’histoire d’une localité québécoise.
La municipalité du village de Mont-Rolland est constituée en 1918.
En 1954, la municipalité de Mont-Gabriel est constituée à côté, mais elle ne compte qu’une dizaine d’habitants. Une longue période de fusions commence. En 1968 a lieu l’annexion du Sommet Bleu à Mont-Rolland par Sainte-Adèle. En 1981, le village de Mont-Rolland absorbe le hameau de Mont-Gabriel. Finalement, en 1997, Sainte-Adèle et Mont-Rolland se regroupent dans une seule municipalité, suite aux fusions municipales.
À ce jour, aujourd’hui, Mont-Rolland est l’une des destinations touristiques préférées des Québécois et de leurs voisins ontariens et américains.
La station de ski Sainte-Adèle (autrefois, station de ski Mont-Rolland), ouverte au début des années 1940, est rapidement devenue l’une des stations importantes de la région, en partie grâce aux bonnes relations politiques qu’entretenaient certains de ses premiers propriétaires avec le ministère des transports du Québec.
Au début des années 70, l’un des propriétaires de cette station de ski a même sauvé la station en faisant dévier le tracé prévu de l’autoroute 15 lors de son prolongement, alors que son tracé initial devait passer au pied de la montagne.
Aujourd’hui, à seulement 50 minutes de Montréal, des milliers de skieurs viennent dévaler les pentes de ses montagnes.
L’impact d’une industrie sur l’histoire de la région
Il demeure exceptionnel qu’une industrie ait autant marqué l’histoire d’une localité québécoise. En effet, la proximité des grandes papeteries Rolland, fondées par Jean-Baptiste Rolland (1815-188) qui construit sa première usine en 1881, a littéralement donné naissance à ce village. À cette époque, assez avancé en âge, cet industriel confie bientôt la direction de la compagnie de papier Rolland à ses deux fils, Jean-Damien et Stanislas-Jean-Baptiste.
La nouvelle usine de fabrication de papiers fins est inaugurée en 1912. Quelques années plus tard, en 1918, Saint-Joseph-de-Mont-Rolland, détachée de Sainte-Adèle, est créée sous le statut de municipalité de paroisse. En 1967, elle prend le nom abrégé de Mont-Rolland que porte déjà le bureau de poste depuis 1905 et, par suite d’une fusion intervenue entre celle-ci et Mont-Gabriel, créée en 1956, est érigée la municipalité du village de Mont-Rolland en 1981.
Même si le motif d’attribution du nom municipal paraît évident et naturel, Hormisdas Magnan se plaît à souligner qu’il existait dans le diocèse de Saint-Claude, en France, un sanctuaire consacré à Notre-Dame de Mont-Rolland, érigé par les Bénédictins au XVIIIe siècle, sur une jolie élévation qui surplombe la ville de Dôme en Auvergne. Il note ainsi une coïncidence que sa piété l’amène à détailler quelque peu, sans doute ! Les Rollandois habitaient jadis la municipalité voisine de Sainte-Adèle, à l’ouest, dont Mont-Rolland a été détaché. Piedmont borde au sud cette municipalité de la région des Laurentides.